Les pirates de la Sainte-Jeanne

Publié le par Pat la Bretonne

LES PIRATES DE LA SAINTE-JEANNE

 

Je savais qu'en Bretagne, il y avait des fées, des lutins, mais j'ignorais qu'on y trouvait encore des pirates ... J'aimerais donc vous raconter l'histoire qui m'est arrivée il y a quelques années.

C'était par un matin de grand brouillard, un de ces brouillards dignes des plus inquiétantes légendes bretonnes. Le petit port d'Erquy, encore endormi était écrasé sous un épais manteau blanchâtre. L'air semblait s'être densifié, mille gouttelettes nacrées dansaient entre ciel et mer.

 

 

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La brume était tellement épaisse qu'elle écrasait tous les bruits ; Même la mer s'était faite silence, les vagues venaient et repartaient en glissant discrètement sur le sable. De ci, de là, une silhouette de maison émergeait de la brume, fantomatique, pour disparaitre aussitôt, happée par la nuée ouatée. Par moment, un écho de voix lointain, puis soudain tout proche, trouait l'opacité.


Le phare dansait dans le brouillard, silhouette incertaine qui flottait  comme une masse sombre au bout de la jetée. Toute vie semblait avoir déserté le port.


Je m'assis à même le quai, adossée à un rouleau de cordage, emplissant mon âme de ce silence, de cette paix absolue.


Tout à coup, un cliquetis anormal attira mon attention. Une barque longea la cale, comme sortie de nulle part. J'entendis une voix, petite, toute petite m'interpeller ...

- He Ho du bateau


Pensant qu'il s'agissait de l'écho de quelque appareillage, je l'ignorai.


- He Ho ... En garde, manant ... viens te battre si tu es un homme ...


Interloquée, Je cherchai qui me faisait une blague. Et soudain, je le vis, debout à l'arrière d'une barque, minuscule, s'agitant comme un ver de terre, son sabre à la main...

 

 

 

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Je me frottai les yeux, me pinçai, persuadée que j'étais en train de rêver, mais rien n'y fit. Le petit bonhomme gesticulait toujours sur sa barcasse.
 

Un son étrange me fit me retourner. Une sorte de claquement régulier qui résonnait sur la pierre du quai.
Mes cheveux se hérissèrent sur  ma tête quand je les aperçus . Ils venaient vers moi, clopin-clopant. Je voulus m'enfuir, persuadée d'être enfermée dans un mauvais rêve, mais mes jambes ne bougèrent pas. Sans me voir, ils passèrent à quelques mètres de moi.

 

 

 

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Le rire du pirate résonna longtemps derrière lui, tandis que s'éloignait l'écho de sa jambe de bois claquant sur la jetée.


Je pensai en avoir fini avec ce rêve étrange, et m'apprétai à repartir, quand un vague mouvement attira à nouveau mon regard.

A quelques mètres du quai, la Sainte-Jeanne, un vieux gréement, dormait sur les flots alanguis. Ses voiles étant baissées, ses mats dressés en flèche auxquels s'accrochaient de longues écharpes de brume, piquaient vers le ciel. Etrangement, je n'avais vu s'approcher aucun membre d'équipage en vue d'une manoeuvre éventuelle. Et pourtant, quelque chose bougeait sur la Sainte-Jeanne.


Les yeux plissés, je scrutai à travers le brouillard


Et soudain, mes yeux ébahis les aperçurent, petit à petit, émergeant de la brume ... tout un équipage sorti des plus belles histoires de bateau-fantôme, qui courrait, gesticulait, s'agitait au milieu des rires, soutenus par les cris aigus d'un perroquet bizarre. A plusieurs reprises, je me pinçai le bras, pour vérifier que je ne dormais pas... Non. Tout celà était réel et surnaturel en même temps. Etais-je passée dans une troisième dimension ?... Etais-je tout-à-coup entrée dans un monde parallèle peuplé d'êtres imaginaires?... Pour moi qui vis avec les fées, celà n'aurait rien eu d'étonnant. Je ne comprenais rien à ce qui m'arrivait.

 

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Brusquement, un oiseau étrange poussa un cri suraigu, et  fonça droit sur moi.

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Je ne pourrai vous raconter ce qui se passa ensuite, car dans un réflexe de protection, je reculai, me pris les pieds dans les cordages, et tombai en me tappant la tête contre la pierre froide... Après, le grand trou noir..

 

Lorsque je rouvris les yeux, le brouillard avait disparu. La vie avait repris son cours, entre les ronflements de moteur des petits bateaux, les harangues des pêcheurs qui s'interpellaient et le cri des mouettes.

Ai-je rêvé ? La seule chose dont je sois sûre, c'est que pendant plusieurs jours, mon bras est resté marqué d'hématomes inexplicables.


 

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